INERA, UNE RECHERCHE AGRONOMIQUE APPLIQUEE

Publié le par Makjing

 

Pour développer l’agriculture et le monde rural en RD Congo


La Recherche Agronomique en Afrique, comme l’indique M.V.Drachooussof dans son article sur l’historique des recherches en agronomie tropicale africaine, se subdivise en une première phase d’exploration et de démarrage de 1880 à 1934/1939, et en une deuxième phase d’épanouissement de 1945 à 1960.

A partir de 1960, d’autres pays, des institutions régionales et internationales participent à l’effort de recherche. De leur côté, les Etats nouvellement indépendants développent leur potentiel scientifique propre.

Historique

Dès le début, les explorations et les études botaniques bénéficiaires de l’appui des institutions scientifiques et métropolitaines. Les jardins de Kisantu et d’Eala, fondés 1900, servirent à la fois de jardin botanique et de centre d’acclimatation et d’essai. Plusieurs stations agricoles s’ouvrirent ensuite, dont Yangambi.
Yangambi, Station centrale d’écoclimatologie
Yangambi, sélection du palmier à huile
La mise en place d’un réseau éco- climatologique, après la Première guerre mondiale, permit d’entamer l’étude climatologique du Congo.
En mars 1914, dans un numéro du « Bulletin agricole au Congo » périodique scientifique, le directeur général E. Leplea insistait déjà sur l’importance de la recherche scientifique pour le progrès de l’agriculture congolaise.

Vers 1925, il devient évident que l’évolution de l’agriculture en Afrique centrale exigeait la création d’un organisme scientifique et technique doté d’une autonomie administrative, financière et opérationnelle. Ce fut la Régie des Plantations, qui fonctionna de 1926 à 1933. Elle avait un double objectif de recherche et de production et s’intéressa d’abord au coton et aux cultures pluriannuelles.
Des travaux de plantes vivrières furent cependant entamés à Yangambi en 1927 et en Ituri (Nioka).

Vers 1931, il apparut que la formule hybride de la Régie était dépassée par l’évolution agricole du pays : elle ne permettait pas de développer la recherche fondamentale et de mener des activités multidisciplinaires avec efficacité. Alors, sous l’impulsion du prince Léopold de Belgique, I’INEAC (Institut national pour l’étude agronomique du Congo belge) fut institué en décembre 1933 et installé en mars 1934. Vers la même époque, des sections tropicales furent créées dans les facultés belges d’agronomie.

Emergence de l’INEAC

De 1934 à 1940, I’INEAC étoffa ses divisions scientifiques et techniques et ouvrit plusieurs nouvelles stations reparties à travers le Congo et le Ruanda-Urundi. Les recherches sur les cultures vivrières entamées précédemment s’étendirent et se diversifièrent.
Des résultats importants furent obtenus en matière de plantes industrielles et plus particulièrement le palmier à huile, le caféier, l’hévéa et le coton. L‘étude des systèmes agricoles africains, menée notamment à Yangambi, Bambesa, Gandajika et ensuite à Mulungu, Nioka et Rubona, permit d’installer quelques noyaux de paysans, prélude à l’organisation de vastes paysannats.

Coupé de l’Europe et privé d’une partie de son personnel , les années 1940-1945 furent difficiles pour l’Institut. Les activités essentielles furent cependant maintenues, pendant que les dirigeants préparaient I’après-guerre.

A partir de 1946, l’Institut reprit son expansion, en suivant avec souplesse quelques principes stratégiques simples sur l’organisation unitaire et hiérarchisée, la subdivision thématique de la recherche, l’essaimage spatial, la souplesse interne, la liaison permanente entre la recherche et la pratique, la collaboration régulière avec les centres scientifiques , les étude pédo-botanique et climatologique, etc.

Au 30 juin 1960, I’INEAC comprenait, outre le centre de recherches de Yangambi, 32 stations, plantations ou centres expérimentaux, répartis en 8 secteurs géographiques couvrant l’ensemble du Congo et du Ruanda-Urundi. L‘Institut menait certains travaux en collaboration avec le secteur privé. Il a joué un rôle déterminant dans la préparation, le démarrage et la supervision scientifique des paysannats. Il disposait de 412 agents de cadre moyen et supérieur dont 263 avaient un diplôme universitaire.

Après l’indépendance (1960-1987)
L’évolution de la recherche agronomique fut influencé par trois facteurs importants :
· les problèmes d’installation des nouveaux Etats et l’affaiblissement ou le démembrement des anciennes structures de recherche régionales ou fédérales
· la fin du monopole scientifique des anciens colonisateurs et l’entrée en scène d’autres pays et d’institutions internationales ;
· la mise en place d’organismes scientifiques nationaux.
Cette transition fut relativement aisée dans certains pays, plus complexe et plus difficile dans d’autre.
Malgré cette dispersion regrettable, d’ailleurs partiellement corrigée par les procédures formelles et surtout informelles de concertation interne, la recherche agronomique belge a gardé de nombreux points forts et notamment la bio-technologie, les sciences du sol, la phytotechnie du cotonnier, du théier, du bananier, des légumineuses et des plantes vivrières, la phytopathologie, la zootechnie, etc. Sa collaboration scientifique avec l’Afrique et d’autres pays tropicaux reste appréciée.

En RDC, I’INERA a remplacé lNEAC, mais il a rencontré beaucoup de difficultés. Parallèlement, trois programmes nationaux sectoriels se sont consacrés au maïs (PNM), au manioc (PRONAM), aux légumineuses (PNL). Ces programmes ont bénéficié d’une aide extérieure importante et sont aujourd’hui regroupés dans le projet RAV (Recherche appliquée et Vulgarisation).



INERA, Centre de Recherche de M’vuazi, Bas-Congo

La recherche agronomique en RDC a fait I’objet de nombreuses études et de programmes multiples. Les éléments d’une politique de relance existent aujourd’hui. Les lignes de force de cette politique seraient:
un ajustement des objectifs de I’INERA en fonction des moyens disponibles,
le rétablissement d’une coordination institutionnelle et opérationnelle entre l’INERA,le projet RAV et les universités,
une collaboration plus étroite avec les réseaux internationaux et d’autres organismes nationaux de recherche agronomique
Actuellement, l'INERA comprends un réseau de 5 centres et 4 stations


Cadre institutionnel

L'INERA est un Etablissement Publique dotée de la personnalité juridique et de l'autonomie de gestion. Sa tutelle financière est assurée par le Ministère ayant le Portefeuille dans ses attributions via le Conseil Supérieur du Portefeuille et la tutelle technique par le Ministère ayant la Recherche Scientifique et Technologique dans ses attributions. Ce dernier est responsable de la politique nationale de recherche en général et celle de la recherche agronomique en particulier.

Mission

L'INERA a pour mission de promouvoir le développement scientifique de l'agriculture en RDC. A ce titre, il est chargé notamment :
d'assurer la programmation, la coordination et le suivi de toutes les activités de recherche agronomique en RDC ainsi que l'évaluation des résultats issus de ces recherches;
d'effectuer toutes les études, recherches et expérimentations agricoles appliquées;
de mettre en place et de fournir des moyens propres à assurer la formation des chercheurs qualifiés;
de renseigner le Gouvernement, les Organismes publics et non gouvernementaux et toute autre personne intéressée par l'agriculture, sur l'impact de la recherche agronomique sur la production agricole;
d'élaborer et de mettre en oeuvre des accords avec des Organismes nationaux et étrangers de recherche agronomique.

Organisation

L'INERA comprend un Conseil d'Administration chargé de prendre des décisions relatives à l'organisation, réglementation et gestion du patrimoine, et dont le Administrateur-Délégué Général est le Président.
Un Comité de Gestion composé du Administrateur-Délégué Général assisté de deux Administrateurs-Directeurs et d'un Représentant du personnel exécute les décisions du Conseil d'Administration et assure la gestion quotidienne de l'institut.



Objectifs

Pour réaliser sa mission, l'INERA poursuit trois objectifs principaux à savoir:
Générer, développer et adapter au bénéfice des producteurs et éleveurs :
des matériels génétiques améliorés, à hautes performances et résistants aux principales maladies et parasites;
des messages et informations techniques sur les méthodes de production économiquement et écologiquement viables.
Assurer la fourniture des semences de base et d'autres matériels de plantation ou de reproduction adaptés aux différentes conditions du milieu;
Renforcer, par la recherche-développement, la capacité de diffusion et de transfert des résultats auprès des producteurs ou éleveurs.

Réseau INERA & Programmes de recherche

Après la restructuration du système de recherche agronomique décidée par le Gouvernement en juin 1985, le réseau de la recherche a été ramené à 5 Centres de recherche et 4 Stations expérimentales repartis dans les grandes zones écologiques du pays. Les Stations non retenues ont été soit mises en veilleuse, soit cédées en location-gérance à des partenaires présentant une certaine crédibilité.
L’expérience de location-gérance n’ayant pas bien marchée, l’INERA les a récupéré. C’est le cas de : Gimbi, Bongabo, Bokeka,…

Le tableau ci-dessous présente l’ensemble du réseau et leur coordonnées essentielles (en annexe).

Quinze programmes prioritaires de recherche sont conduits dans les Centres et Stations de l'INERA. Ils comprennent des programmes de recherche agronomique à savoir:

1.Cultures vivrières


Programme National Maïs
Programme National Légumineuses à graines
Programme National Riz

Programme National Plantes à tubercules
Programme National Manioc
Programme National Fruits et bananes

2.Culture industrielle annuelle - Coton 3. Cultures industrielles pérennes - Caféier - Cacaoyer - Palmier à huile 4. Production animale - Elevage des Bovins et Petits ruminants - Pisciculture 5. Programmes d'appui - Gestion et Conservation des Ressources naturelles - Gestion et Conservation des Ressources Génétiques - Recherche-Développement.
CONTRAINTES ACTUELLES A LA BONNE MARCHE DE LA RECHERCHE

En République Démocratique du Congo, le mandat de conduire la recherche agronomique sur l'ensemble du territoire national revient à l'INERA. A la fin des années 70 au fil du temps, l'Institut était confronté à des multiples problèmes dont le point focal est le manque de financement. Ce dernier est dû au désengagement de l'Etat et à l'absence d'une politique de rétribution à la recherche des fruits de ses résultats.
Il s'en est suivi la dégradation progressive du système notamment les infrastructures équipements de recherche, la démotivation et la désertion des chercheurs et autres agents qualifiés sans oublier la réduction sensible des relations entre l'INERA et ses partenaires tant internes qu'externes.



PERSPECTIVES D'AVENIR

Il faudra pourvoir l'Institut d'un financement conséquent susceptible de lui permettre de remplir d'une manière efficace et durable le mandat lui assigné et ce, à travers ses quinze programmes susmentionnés .Ces perspectives dépendent fortement de l'engagement du Gouvernement dans le financement et de l'instauration par ce dernier d'une politique de rétribution à la recherche des fruits de ses résultats afin de concourir à la formation du capital nécessaire pour la continuation normale des activités de l'Institut. Au sein des Programmes Nationaux de recherche, encourager la conception de micro-projets couramment acceptés par les bailleurs de fonds afin de contourner les contraintes actuelles à la bonne marche de la recherche.

PLAN D'ACTIONS

Pour que cette recherche réponde aux exigences de l'agriculture, des actions à court et à moyen terme ci-après sont envisagées. Il s'agit de :

· La remise en état des infrastructures et l'acquisition des équipements et autres matériels adaptés de la recherche;
· La relance des travaux de recherche appliquée au sein des programmes prioritaires en rapport avec les besoins réels de l'agriculture nationale;
· La maintenance variétale, la production des semences de pré-base et de base , et la fourniture de ce matériel aux structures semencières, association paysanne et agri-multiplicateurs

Le transfert des technologies à travers les activités des Recherche-Développement, Service National de Vulgarisation (SNV) et les ONG par la démarche de la recherche participative impliquant la population, bénéficiaire cible.
La formation d'un corps de chercheurs et des techniciens de recherche expérimentés et compétitifs.
La création des conditions de travail susceptibles de motiver et de sécuriser le personnel dans ses fonctions;
La publication régulière des acquits de la recherche;
La réouverture de l'INERA par la participation active des chercheurs aux conférences sous-régionales, régionales et internationales ainsi que dans la réalisation des programmes de ces entités.

EN CONCLUSION

Certains analystes pensent que l’histoire de la recherche agronomique de la RDC serait liée à l’histoire de l’INERA.
L’essor de l’INERA de 1940 à 1960, a démontrée que les travaux en laboratoire et sur le terrain ont permis de tripler et de sextupler le rendement de certaines cultures pluriannuelles, d’accroître considérablement la productivité des cultures vivrières. Les progrès en zootechnie et en sylviculture ont été tout aussi impressionnants.

Aujourd’hui, il faudrait que les Etats reconnaissent pleinement l’importance de la recherche agronomique et lui accordent les moyens qui lui sont nécessaires pour la recherche. Ce qui n’est pas toujours le cas.

Le rapport sur la RELANCE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO : CONTRIBUTION DE L’UNION EUROPEENNE présenté lors de la table RONDE SUR L’AGRICULTURE « Vers une stratégie de développement agricole, base solide du décollage économique », Kinshasa, 19 – 20 mars 2004, a même affirmé que « la recherche agricole, en tant que moteur du développement technologique de l’agriculture, a un rôle crucial à jouer dans le cadre du re-décollage économique de la R.D.Congo ».

Pour passer de l’agriculture d’urgence à l’agriculture durable, il faut dans un avenir proche, renforcer la recherche agronomique. Mettre une stratégie pouvant permettre de réhabiliter d'urgence les structures de l’INERA et de financer ses opérations de multiplication et distribution accélérées du paquet technologique, déjà mis au point.

A ce stade, nous espérons voir la recherche agricole retrouver son rôle primordial dans le développement de l’agriculture et du monde rural en RDC, un pays dont le potentiel agricole est particulièrement élevé. Et pourtant, moins de 10 % de ces terres sont mises en valeur.
Sans appui à la recherche agronomique, notre agriculture est condamné à rester rudimentaire. Le fossé avec agriculture mondiale ne fait que s’accroître. Cet écart prive tout espoir et tout horizon aux personnes impliquées dans l’essor de notre agriculture lesquelles contribuent à la sécurité alimentaire.


Par Sara Mujinga & Jocelin Makoko

 

Publié dans rainrdc

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